(English translation below)
C.A.D. a rencontré Mette Kristine Oustrup, Associée et Directrice Associée Marketing, qui est à l’origine de la théorie de la « Mood Consumption ». Style-Vision, l’agence d’analyse des tendances des consommateurs ou « trend intelligence » a été créée à Nice en 2001.
Ses concepts, basés sur une approche transversale (i.e. orienté vers le consommateur) sont réalisés et commercialisés à l’intention des grands groupes. Ses produits et services couvrent trois domaines principaux : les dossiers tendance (tendances majeures des futurs consommateurs), les tables rondes (carrefours d’opinions pour bâtir la vision de la consommation future), enfin les conseils et études « Mood Consumption » (ou approche qualitative de Style-Vision).
C.A.D. – QUE VOUS INSPIRE LA NOTION DE « MOTEUR DE CREATIVITE » ?
M.K.O. – Nombre d’entreprises et de particuliers parlent de la créativité et de l’innovation, comme s'il suffisait de se lancer pour être innovant. En ce qui me concerne, je dirais que c’est une sorte de triangle basé sur l’inspiration. Pour être créatif et innovant, vous devez être inspiré. Et de nombreuses entreprises oublient ce fait. Elles considèrent que l’innovation arrive toute seule, et c’est une opinion erronée.
Pour être réellement inspiré, vous devez approcher des personnes inspiratrices, extérieures à votre industrie, et également œuvrer dans un environnement motivant. Lorsque vous êtes installé dans un bureau tout gris avec des tonnes de réunions et d’emails en attente et que votre mission est d’être productif, il est très difficile de trouver des moments d’inspiration. Et sans cette fameuse inspiration, la créativité, en termes d’idées nouvelles, ne sera sans doute pas au rendez- vous. Si vous n’êtes pas inspiré et créatif pour être innovant – afin de transformer ces idées créatives en produits et processus durables – l’innovation devient un mot en vogue sans grande signification. Si vous voulez connaître ce qu’est le moteur de créativité, vous devez rester concentré sur ces trois éléments : l’inspiration, la créativité et l’innovation.
C.A.D. – QUEL EST LE RÔLE DE LA COMPRÉHENSION DU CLIENT DANS L’INNOVATION ?
M.K.O. – De très nombreuses innovations sont disponibles, mais peu d’entre elles sont devenues de véritables tendances, simplement parce que le besoin du client n’était pas exprimé. Une tendance s’ébauche quand le besoin d’un client est en présence d’une innovation technique. Par exemple, quand la messagerie texte a touché une réelle demande du consommateur, elle est devenue une vraie tendance. Ainsi, si vous ciblez l’innovation pour l’innovation, elle ne deviendra jamais une vraie tendance. Si vous pouvez provoquer la rencontre magique de ces deux facteurs, elle peut représenter une source potentielle de profit et d’intérêt.
C.A.D. – POUVEZ-VOUS DONNER UN EXEMPLE DE LA FAÇON DONT LES TENDANCES LIÉES AU STYLE DE VIE SE DÉVELOPPENT ET LEUR IMPACT SUR LE PROCESSUS D’INNOVATION ?
M.K.O. – La co-création est une tendance émergente. Aujourd’hui les consommateurs sont nettement plus indépendants et informés, et ils sont prêts à entrer dans un véritable partenariat avec un fournisseur. Dans le monde de la mode, par exemple, au lieu d’arriver avec une nouvelle collection et de la placer sur des rayons de magasins de marques milieu de gamme, comme Marks & Spencer, on pourrait proposer aux clients de choisir leurs vêtements et couleurs prèférés via l’Internet. La nouvelle collection devient alors une co-création entre le client final et la marque. Nul n’est encore allé aussi loin, mais je pense qu’une telle démarche serait profitable à quelques entreprises.
C.A.D. – QU’ÉVOQUE POUR VOUS L’IDÉE DE « CRÉATIFS CULTURELS » ?
M.K.O. – Au cours des dernières années sont apparus les termes « entreprenariat d’entreprise » et « entreprenariat social », et aujourd’hui « entreprenariat culturel ». Ce qui sera important dans le futur, c’est l’alliance de la culture, du commerce et de la communauté, là où ces trois facteurs devront œuvrer ensemble.
De nombreuses entreprises ont considéré la communauté comme une sorte de prime d’achat : « Si nous donnons des fonds à une œuvre caritative, les gens penseront que nous sommes une entreprise généreuse, et ils ne nous jugeront pas sévèrement si nos opérations sont moins durables ou correctes. » Et nous voyons poindre aujourd’hui des tendances telles que « Peut-être que si nous participons pleinement au sein de la communauté, nous deviendrons aussi plus rentables. » Ceci est déjà arrivé, mais reste assez limité. Il existe des fonds d’investissement uniquement dédiés aux projets éthiques, mais il est encore trop tôt pour se prononcer quant à leur réussite. Cependant, certaines marques ont été couronnées de succès, comme The Body Shop. Une stratégie plus holistique sera le critère clé de réussite pour l’entreprise du futur.
C.A.D. – COMMENT LES ENTREPRISES CONSERVENT-ELLES LEUR IMAGE DE MARQUE TOUT EN CONSERVANT LEUR TRANCHE CRÉATIVE ET EN REPOUSSANT LES LIMITES DES ATTENTES DE LEURS CLIENTS ?
M.K.O.- Je dirai que les deux s’associent, mais tout dépend. Prenons l’exemple d’Apple : leur image de marque est axée sur la création de nouveaux produits performants et qui offrent un aspect attractif et intéressant. Lorsqu’ils lancent un nouveau produit, ils demeurent fidèles à leur image de marque et savent assurer la gestion qui les mènera au succès. L’image de marque de Marks & Spencer se résumait à « Vous trouverez toujours chez nous un produit classique, à un prix raisonnable. » La société se limitait à créer un produit dont la finition n’était pas de premier plan, mais classique. Vous pouviez vous rendre dans un de leurs points de vente et trouver le même tee-shirt vu cinq ans auparavant. Être créatif et innovant ne signifie pas que vous deviez régulièrement créer de nouveaux produits. Et de nombreuses entreprises commettent cette erreur. Vous pouvez être créatif avec des produits toujours ou à peu près identiques – vous devez vous attacher à ces produits et collaborer avec le consommateur. Marks & Spencer n’a malheureusement pas compris cela et a essayé de copier une enseingne concurrente avec l’issue que l‘on sait !
C.A.D. – QUELLE EST VOTRE MÉTHODE POUR TRAITER AVEC VOS CLIENTS ?
M.K.O. – En nous appuyant sur notre théorie de « Mood Consumption », nous pouvons situer différentes entreprises dans divers modes. Certains de ces modes sont basés sur une constante de classicisme, en restant fidèle à leur parcours avec quelques actualisations ; d’autres sont basés sur une production présentant de nouveaux produits accompagnés d’inédits. Vous créez réellement l’image de marque correspondant d’abord à l’entreprise, et au final à la psychologie des individus qu’elle cible comme clients potentiels.
C.A.D. – PAR QUELS BIAIS LES ENTREPRISES PEUVENT-ELLES OPTIMISER LA CRÉATIVITÉ DE LEURS COLLABORATEURS ?
M.K.O. – Je considère, pour ma part, que la majorité des entreprises détiennent un potentiel créatif assez satisfaisant. Je pense que la cible réelle des entreprises devrait être l’inspiration – afin d’offrir à leurs collaborateurs l’opportunité d’être inspirés par d’autres milieux, d’autres observations allant au-delà de leur traditionnelle réflexion. Ceci peut se produire d’abord par le biais de rencontres avec des interlocuteurs issus d’autres industries, de brain-storming avec d’autres personnes, et en faisant appel à des agences extérieures comme Style-Vision. Et deuxièmement, au sein de l’entreprise qui encourage l’inspiration; le simple fait d’aménager un nouvel environnement intérieur peut se révéler une source d’inspiration de longue durée.
En termes d’innovation, vous devez vous pencher sur la facilité avec laquelle vous pouvez susciter des idées créatives à travers l’entreprise. Être créatif exige une bureaucratie allégée. Nombre d’idées créatives sont annihilées par des réflexions du genre, « Ce n’est pas bon ; ce n’est pas possible ; nous n’avons jamais fait cela auparavant ; ce n’est pas ce que nous faisons habituellement...». Et de nombreux actifs travaillent sous les ordres d’un responsable qui ne réalise pas le bien fondé de sortir du cadre établi. Mais si nul n’entreprend une nouvelle façon de réaliser, alors il ne se passe rien. La gestion de risque et la créativité sont fréquemment en opposition, elles ne peuvent pas s’accorder.
In English
Côte d'Azur Développement has met with Mette Kristine Oustrup, Managing Partner at Style- Vision.
C.A.D.: WHEN YOU HEAR THE WORDS "CREATIVITY IN ACTION", WHAT DO YOU THINK OF?
M.K.O.: A lot of companies and people are talking about creativity and about innovation as if you can just go and be innovative. For me it is kind of a triangle, and it all starts with inspiration. In order to be creative and innovative you need to be inspired. And a lot of companies are missing that part. They believe that innovation comes by itself and it doesn't.
To be really inspired you need to have access to inspiring people outside your own industry and you also need to be working in an inspiring environment. When you sit in a grey office with tons of meetings and emails and are constantly forced to be productive, it's very hard to find inspiring moments. And without this inspiration, creativity in the sense of new ideas is pretty hard to find. If you don't have inspiration and creativity to be innovative – to put those creative ideas into sustainable products and processes – then innovation becomes a buzzword without a deep meaning. If you want to have "Creativity in Action" you need to focus on all three – inspiration, creativity and innovation.
C.A.D.: WHAT ROLE DOES UNDERSTANDING THE CUSTOMER PLAY IN INNOVATION?
M.K.O.: There are so many innovations available, but only a few of them have evolved into a real trend simply because the customer need was not there. A trend occurs when a customer need meets a technical innovation. For example, when text messaging hit a real consumer need, it then became a real trend. So if you just focus on innovation for innovation's sake, that will never be a real trend. When you have the magic of those two meeting it can be very profitable and interesting.
C.A.D.: CAN YOU GIVE AN EXAMPLE OF HOW LIFESTYLE TRENDS ARE EVOLVING AND HOW THIS AFFECTS THE INNOVATION PROCESS?
M.K.O.: One emerging trend is co-creation. Today consumers are much more independent and well informed and they're ready to enter into a real partnership with a supplier. In the fashion world for example instead of coming up with a new collection and just putting that in the shop, mid-range fashion brands, such as Marks & Spencer, could invite their customers to pick out their favorite garments and colors using the Internet. The new collection is then a co-creation between the end consumer and the brand. Nobody's done that so far, but it's something I think that some companies need to be doing.
C.A.D.: WHAT IS YOUR IMPRESSION OF THE IDEA OF "CULTURAL CREATIVES?"
M.K.O.: In recent years, we have seen the terms "business entrepreneurship and "social entrepreneurship," and now we are beginning to see the term "cultural entrepreneurship." What will be important for the future is the mix of culture, commerce and community where you will have all three working together.
Many companies have treated the community as a kind of a buying incentive: "If we give money to charity, people will think we are a good company and they won't be so harsh with us if we do things that are less sustainable or correct." And what is happening now is that we are seeing trends that say, "Maybe if we are part of the community we will also be more profitable." It is happening already, but it is quite limited. There are investment funds that focus only on ethical investments, though it's too soon to see if they are successful. And then there are the obvious successful brands like The Body Shop. A more holistic strategy will be the key success criteria for future business.
C.A.D.: HOW DO COMPANIES MAINTAIN BRAND IDENTITY WITHOUT LOSING THEIR CREATIVE EDGE, PUSHING THE BOUNDARIES OF THEIR CUSTOMERS' EXPECTATIONS?
M.K.O.: I would say that those go together, but it depends. Take Apple, for example. Their brand identity is very much to create new products that will both function and look very beautiful and interesting. When they come up with new output, they stay loyal to their brand identity and they also manage to make a huge success.
Marks & Spencer had a brand identity that said, "You can always come to us for a classic designed product, at a reasonable price." Their edge was to create something that was not high end, but classic. You could go into their stores and find the same tee shirt you found five years ago. To be creative or innovative doesn't mean that you have to constantly come up with new stuff. And a lot of companies make that mistake. You can be very creative with products that are always the same or very similar – you have to work very hard on those products and you have to work with the consumer. Unfortunately, Marks & Spencer did not understand that and tried to copy a competitor with the results we know!
C.A.D.: HOW DO YOU ADDRESS THIS WITH YOUR CLIENTS?
M.K.O.: With our Mood Consumption theory, we can actually position different companies into different moods. Some of the moods are about staying classic, staying true to your history with few updates; and others are about coming up with constant new things and constant surprises. You really create the brand identity that fits the company and will ultimately fit with the psychology of the people they want as customers.
C.A.D.: HOW CAN COMPANIES MAXIMIZE THE CREATIVITY OF THEIR PEOPLE?
M.K.O.: I think that in the majority of companies the creative potential is quite good. I think that where companies should really focus is on inspiration – to let their people be inspired by different worlds, different thinking, beyond their traditional thinking. This can happen through meeting people from other industries, brainstorming with other people, using outside agencies like Style- Vision. And secondly, creating an environment within the company that fosters inspiration; something as simple as creating new interiors can go a long way.
In terms of innovation, you need to look at the ease with which you can push creative ideas through the company. To be creative requires less bureaucracy. There are a lot of creative ideas that are just killed by the thinking, "This is not good; this is not possible; this is nothing we have done before, this is not what we usually do." And a lot of people work with a boss who does not think there is any reason for thinking out of the box. But if nobody starts a new way of doing things then nothing happens. Risk management and creativity are often enemies - they do not go together .